Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’expropriation d’un immeuble n’est possible que si elle est justifiée par une nécessité publique légalement constatée (article 17 de la DDHC) ou, autrement dit, « qu’à la condition qu’elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête » (article L. 1 du code de l’expropriation).
Aussi, les biens expropriés doivent être affectés en vue de réaliser l’opération d’utilité publique dans un délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation.
A défaut, l’article L. 421-1 du code de l’expropriation prévoit que : « Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique ».
En cas de rétrocession possible, l’article L. 421-3 du code de l’expropriation impose que « A peine de déchéance, le contrat de rachat est signé et le prix payé dans le mois de sa fixation, soit à l’amiable, soit par décision de justice », cette disposition ayant été jugée conforme à la constitution sous réserve que la sanction prévue ne soit pas prononcée si le non-respect du délai d’un mois n’est pas imputable à son bénéficiaire (CC, 22 novembre 2024, QPC n°2024-1112)
En revanche, lorsque la rétrocession du bien exproprié est impossible, l’exproprié a droit à des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de cette impossibilité ce que rappelle l’arrêt commenté en son attendu n° 6 qui s’inscrit dans une jurisprudence constante (3e Civ., 17 novembre 1993, n° 90-18.954 ; 3e Civ, 22 novembre 2006, n° 06-11.311) et ce que prévoit également l’article R. 223-6 du code de l’expropriation, en cas de restitution d’un bien exproprié liée à la perte de base légale de l’ordonnance de transfert de propriété.
En l’espèce, le litige portait précisément sur les dates d’évaluation à prendre en compte pour déterminer le montant des dommages et intérêts au titre de la perte de plus-value ainsi qu’au titre de la perte de jouissance d’un bien exproprié qui n’a pas reçu la destination prévue, cinq ans après l’ordonnance d’expropriation.
En effet, un ancien propriétaire a formé un pourvoi contre l’arrêt d’une cour d’appel qui avait déterminé ces indemnités sur une période courant de la date à laquelle la juridiction a été saisie par assignation d’une demande de rétrocession jusqu’au jour du jugement reconnaissant définitivement le droit de rétrocession.
L’ancien propriétaire estimait, au contraire, « que c’est à la date à laquelle il statue que le juge doit évaluer le dommage dont la réparation lui est demandée« , de sorte que l’arrêt de la Cour d’appel méconnaissait, selon lui, le principe de réparation intégrale du préjudice, les dispositions des articles L. 421-1 et R. 223-6 du code de l’expropriation, ainsi que les stipulations de l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la CEDH.
« – la rétrocession n’étant qu’une faculté, sans incidence sur la régularité de l’expropriation, le point de départ de la période préjudicielle est, non pas la date à laquelle le bien a été exproprié, mais celle de l’assignation aux fins de rétrocession, qui constitue la mise en demeure de l’autorité expropriante de restituer son bien à l’exproprié (3e Civ., 17 juillet 1997, pourvoi n° 95-17.530, publié) ;
– la rétrocession, lorsqu’elle est possible, supposant le rachat par l’exproprié de son bien à sa valeur résultant de sa qualification à la date à laquelle le droit de rétrocession a été définitivement reconnu, cette date constitue, lorsque la rétrocession est impossible, le terme de la période préjudicielle ».