Par un arrêt rendu le 7 mars 2025 et mentionné dans les tables du recueil Lebon (n° 495227), le Conseil d’Etat apporte des précisions importantes en matière de préemption sur les conséquences de la notification au seul notaire indiqué dans la DIA.
Les questions de notification de la décision de préemption fournissent une jurisprudence foisonnante, compte tenu des conséquences attachés à ces formalités tant à l’égard de la légalité de la décision que des délais de recours.
En effet, l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme prévoit notamment que la décision de préemption « est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner qui avait l’intention d’acquérir le bien« .
Au regard de ces dispositions, la jurisprudence de la juridiction administrative a déjà eu l’occasion de préciser que :
– le défaut de notification à l’acquéreur évincé n’a pas d’incidence sur la légalité de la décision de préemption (CAA Marseille, 4 juin 2010, n° 08MA02958) et n’a de conséquences qu’à l’égard des délais de recours, la jurisprudence dite « Czajbaj » étant applicable (CE 16 décembre 2019, n° 419220). A ce sujet, il est utile de rappeler que le Conseil d’Etat avait recommandé « de modifier la procédure actuelle pour prévoir que la notification de la décision de préemption au notaire chargé de la vente vaut notification à l’acquéreur évincé, de sorte que le délai de recours opposable à ce dernier commencerait à courir à compter de cette date » (Conseil d’Etat, le droit de préemption, pages 63-64).
– en revanche, le défaut de notification aux vendeurs et au notaire dans le délai de deux mois, ce délai impératif qui est « une garantie pour les particuliers désirant aliéner un bien soumis au droit de préemption » selon le Conseil d’Etat, constitue un vice de légalité interne (CAA Versailles 18 novembre 2019, n° 09VE01553, cf. conclusions du rapporteur public)
Par ailleurs, si l’article précité du code de l’urbanisme prévoit une notification aux vendeurs ainsi qu’au notaire, quelle conséquence emporte la seule notification à ce dernier ?
Dans le cas issu de l’arrêt commenté, la question se pose au regard des délais de recours et la solution rendue parait sécurisée la procédure de préemption, notamment au regard de sa légalité.
Plus précisément, par un arrêté du 28 mars 2018, un maire exerce son droit de préemption urbain sur un immeuble à la suite d’une déclaration d’intention d’aliéner adressé par le notaire des propriétaires, en notifiant sa décision uniquement à ce dernier.
Les propriétaires exercent un recours pour excès de pouvoir contre cette décision de préemption devant le tribunal administratif deux ans après cette notification au notaire, alors qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée« .
Le tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel considèrent le recours comme tardif et les propriétaires se pourvoient en cassation.
Saisissant l’occasion de clarifier la procédure, le Conseil d’Etat apporte plusieurs précisions :
– il rappelle, tout d’abord, que l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme impose notamment la notification de la décision de préemption à la fois au vendeur du bien objet de la préemption et à son notaire ;
– il relève, ensuite, que « Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le vendeur donne mandat à un tiers pour recevoir cette notification pour son compte«
– avant de préciser que « La signature de la déclaration d’intention d’aliéner par le notaire établit, en principe, en l’absence d’expression d’une volonté contraire du vendeur, le mandat confié par le vendeur au notaire pour l’ensemble de la procédure se rapportant à l’exercice du droit de préemption mentionné à l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme et, à ce titre, en particulier, pour la notification éventuelle de la décision du titulaire du droit de préemption »
En d’autres termes, lorsqu’un notaire renseignera la rubrique H du formulaire Cerfa d’une déclaration d’intention d’aliéner, celui-ci sera présumé, sauf mentions contraire des vendeurs, agir en qualité de mandataire à qui le titulaire du droit de préemption pourra notifier valablement l’ensemble des actes se rapportant à la procédure prévue dans l’exercice de ce droit, notamment les demandes de visite et de communication de documents qui ont pour effet de suspendre le délai d’instruction de la DIA.
La solution laisse sérieusement envisager que la seule notification au notaire des vendeurs n’entachera pas la légalité de la décision d’exercice du droit de préemption, de sorte qu’elle offre une plus grande sécurité juridique pour leur titulaire.
Cela étant, il convient de garder à l’esprit que l’appréciation de la notification de la décision d’exercice du droit de préemption urbain peut également relever du juge judiciaire (3e Civ., 8 novembre 1995, Bull. civ. 1995, III, n° 320 ; 3e Civ., 9 novembre 1999) qui pourrait être conduit à appliquer cette jurisprudence.
La régularité d’autres notifications au seul notaire reste en suspens, notamment celle du récépissé de consignation prévue à l’article L. 213-4-1 du code de l’urbanisme (cf. TJ Toulouse, 14 février 2025, n° 24/00043, affaire dans lequel le cabinet intervient)
Pour en savoir plus, voir:
One Comment