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Par un arrêt du 3 octobre 2024 qui sera publié aux tables du Recueil Lebon (n° 491297), le Conseil d’Etat rappelle l’intérêt à agir d’un preneur à bail pour contester un arrêté déclarant cessible des parcelles, en précisant le point de départ du délai de recours en pareil cas.

En expropriation, l’arrêté de cessibilité constitue un acte administratif:

  • déterminant les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation d’une opération d’utilité publique et,
  • précisant l’identité des propriétaires susceptibles d’être directement affectés à cette occasion.

Cet acte est édicté à la suite d’une enquête prévue aux articles R. 131-3 du code de l’expropriation et suivants, pouvant être menée conjointement à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

L’arrêté de cessibilité est également une pièce du dossier transmis au juge de l’expropriation en vue du prononcé de l’ordonnance d’expropriation, portant transfert de propriété (article R. 221-1 du code de l’expropriation).

Dans le cas d’espèce de l’arrêt commenté, se posait notamment deux questions relatives au contentieux de cet acte :

  1. La question de l’intérêt à agir du locataire d’un terrain exproprié :

Cette question n’était pas nouvelle dès lors que le Conseil d’Etat avait déjà reconnu l’intérêt à agir du locataire exploitant de terrain exproprié (CE 2 juin 1965, Fagoo: Lebon T. 958).

L’arrêt commenté s’inscrit dans cette continuité jurisprudentielle dès lors qu’il est expressément rappelé que le titulaire de droits personnels sur un terrain exproprié, comme le preneur à bail d’un bien immobilier, dispose d’un intérêt à agir.

La reconnaissance de cet intérêt à agir à l’encontre de l’arrêté de cessibilité fait d’ailleurs naitre des débats doctrinaux en ce qu’il est permis de s’interroger sur l’efficacité d’une éventuelle annulation contentieuse de l’arrêté de cessibilité ou l’arrêté déclaratif d’utilité publique obtenue par un locataire.

En effet, l’article L. 223-2 du code de l’expropriation, permettant de faire constater la perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation, n’ouvre la faculté de saisir le juge de l’expropriation qu’au seul propriétaire du bien, l’intérêt à agir du preneur à bail étant exclu (3e Civ., 8 juillet 2014, n° 14-10.922).

Finalement, en cas d’annulation des actes administratifs précités, leur efficacité reste subordonnée à la volonté du propriétaire.

  1. La question du point de départ du délai de recours contentieux lorsque le recours est présenté par un locataire:

Contrairement aux propriétaires à qui l’arrêté de cessibilité doit être obligatoirement notifié, cette obligation n’est pas applicable au locataire.

Or, il avait déjà été jugé que l’absence de notification de cet acte au propriétaire ne faisait pas partir le délai de recours contentieux, y compris lorsque l’arrêté a fait l’objet d’une publication par voie d’affichage (CE 29 juin 1951, Lebon p. 380) ; pour autant, cette solution était elle transposable au locataire à qui la notification n’est pas obligatoire ?

Le Conseil d’Etat y répond par la négative en précisant ainsi qu’à l’égard des locataires, « la publication régulière d’un tel arrêté a pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à son encontre ».

Sans revenir sur le moyen tiré de l’inconstitutionnalité des dispositions relatives aux modalités de publicité de l’arrêté de cessibilité soulevé par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité qui a été écartée au motif que ces dispositions revêtent un caractère règlementaire,  il ne peut qu’être conseillé aux autorités expropriantes de procéder à la publication par voie d’affichage de cet acte afin de faire partir les délais de recours à l’égard des locataires.

Pour en savoir plus, voir: