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Par un arrêt en date du 9 novembre 2023 (n° 22-18.545) publié au bulletin, la Cour de cassation précise que le fait qu’une partie des constructions était irrégulière justifie « l’application d’un abattement pour illicéité des constructions, quand bien même la prescription de l’action en démolition serait acquise ».


Dans ce cas d’espèce, des propriétaires avaient exercé leur droit de délaissement et faute d’accord des parties sur le prix du bien délaissé, la commune a saisi le juge de l’expropriation aux fins qu’il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix de cession, en application de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme.


En cause d’appel, le juge de l’expropriation a appliqué, aux termes de son arrêt, un abattement de 20 % pour tenir compte du caractère illicite de certaines constructions qui n’avaient fait l’objet d’aucun permis de construire.


Se pourvoyant en cassation contre cet arrêt, les propriétaires faisaient valoir, outre des griefs relatifs à la charge de la preuve, qu’en l’espèce, la prescription décennale interdit toute action en démolition des constructions litigieuses, de sorte que la cour d’appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles L. 230-3 du code de l’urbanisme et L. 321-1 du code de l’expropriation.


En effet, il convient de préciser ici que :

  • seul donne lieu à indemnisation le préjudice reposant sur « un droit juridiquement protégé » (3e Civ., 29 mai 1979, n° 78-70123 ; 3e Civ., 6 janvier 1993, n° 91-70359 ; 3e Civ., 8 juin 2010, n° 09-15183).
  • En application de ce principe, il est constant en jurisprudence que les constructions réalisées sans autorisation d’urbanisme ou en méconnaissance d’une autorisation d’urbanisme ne peuvent donner à indemnisation, à condition que la prescription décennale ou l’infraction pénale ne soient pas prescrite (Cass., 2 avril 1965, n° 63-70241 ; CA Bordeaux 24 juin 2009, jurisdata n° 2009-378421 ; CA Nancy, 27 mars 2018, RG n° 15/00008 ;CA Paris, 14 novembre 2019, RG n° 18/18492) .


Toutefois, la question soumise à la Cour de cassation n’était pas de savoir si les propriétaires disposaient d’un droit à indemnité, mais si l’irrégularité des constructions au regard du droit de l’urbanisme constituait un élément de moins-value.


La Cour de cassation répond ainsi par l’affirmative en précisant que tel est le cas « quand bien même la prescription de l’action en démolition serait acquise ».


Les juges du fond pourront donc régulièrement appliquer un abattement – dont le quantum relève de leur pouvoir souverain d’appréciation – lorsque les pièces du dossier permettront de constater l’illicéité des constructions, y compris lorsque les actions administratives ou pénales permettant leur démolition sont prescrites.